Oh !

C'était une belle journée qui s'annonçait ; le soleil était au rendez-vous, malgré le fait que des nuages grisâtres l'avaient précédés en petit nombre. Les coins de ciels que l'on pouvait apercevoir étaient d'un bleu vif et clair, typique des ciels de la saison prochaine. L'air était comparable à des milliers de minuscules glaçons statufiés en lévitation. En effet, il était frais et crispé, à un tel point qu'on eut cru qu'il allait craquer à chacun de nos mouvements.

Quelque arbres tardifs tentaient de conserve leurs feuilles, en vain ; la seule verdure de ce nom consistait aux conifères, et à l'herbe qui, étrangement, semblait plus verte qu'en été. Un vent de force moyenne secouait les branchages et les cadavres de plantes, comme s'ils s'étaient installés dans un fauteuil à bascule ou... un cheval à bascule. D'après ce nombre considérables de facteurs, on pouvait s'attendre à une première neige dans peu de temps ; et qui dit première neige dit aussi hiver.

Ce fut hésitant que j'accueillis ce matin ma nouvelle maîtresse qui vint me chercher dans un box. Il était loin d'être aussi impeccable et vaste que mon ancien, mais il était beaucoup plus confortable et chaleureux. Le contact avec mes congénères des autres box était aussi tout nouveau pour moi. Je trouvais particulier ce concept «d'écurie». C'était ingénieux et étrangement agréable, mais je ne me sentais pas encore tout à fait à l'aise avec toutes ces nouveautés. Arrivé le jour d'avant, j'avais eu amplement le temps de faire connaissance avec ma voisine, une jument arabe shagya grise bien jolie avec laquelle je m'étais assez bien entendu. Je remarquai aisément qu'elle était maladroite, et pas qu'un peu, mais cela me faisait rigoler. Son nom était Ocean Thirteen, et nous avons découvert que nous appartenions à la même demoiselle.

Finalement cette jeune fille m'apparut très sympathique douce. Elle me fit un bon pansage dont je découvrit avec une pointe certaine de surprise positive, et trouva bien vite mon point faible ; j'adore qu'on me gratte sur le poitrail. Après s'être divinement occupée de moi, dans une période de temps que je n'aurais jamais soupçonnée possible, elle m'emmena dans ce qu'ils appellent «la carrière».

Elle me travailla patiemment, avec douceur mais fermeté. J'appréciai grandement cette délicatesse. Cependant elle faisait bien son leader, et je l'acceptai petit à petit. Je n'osais pas me prononcer sur ce que je pensais d'elle lors de la première séance, mais il me semblait déjà l'apprécier. Elle fit surtout connaissance avec moi, plutôt que de m'entraîner directement. Justement, je trouvai le sol de la carrière mou et irrégulier. Je trébuchai plusieurs fois, sans toutefois tomber.

Lorsque nous avions terminé, j'étais assez satisfait de cette première rencontre, et elle parut l'être tout autant, puisqu'elle me donna de généreuses caresses et me tendit quelques morceaux de pomme soigneusement coupés. Elle me mena gentiment vers le «pré». Là, c'était le bonheur. Dès que je m'éloignai d'elle de quelques mètres, je l'oubliai complètement et caracolai avec grande joie. À nouveau, je trébuchai à maintes reprises, mais cela ne fit qu'accentuer à mon aspect de fou joyeux. Lorsque je me calmai, je regardai alentours. La jeune fille était partie (je la voyais entrer dans ce qu'ils nomment «une voiture»), et les prés, tout autour du mien, étaient vides. J'étais seul, avec pour loisir l'observation de la nature derrière moi, ou l'observation de la vie du centre équestre, droit devant. Le choix fut simple et j'avançai, m'approchant de la barrière en renâclant.

barbie&ken inc.

thriftiness cashmere.

Avouer que j'avais la simple et pure flemme de travailler était une honte. Mais le fait été là, j'avais la simple et pure flemme de bouger. Je sais, ce n'est pas super sympa pour pineapple, parce qu'elle fait toujours de son mieux pour prendre soin de moi. Mais il me semble avoir entendu le mot "dimanche" dans sa bouche et ce fut le déclic. Pourquoi devrai-je travailler un dimanche ? Plutôt rêver. La matinée fut longue et laborieuse. Après un pansage des plus agréables, j'ai du travailler. Et en plus, c'était de l'obstacle. J'adore l'obstacle, mais pas le dimanche, voyez-vous ? J'aurai préféré rester dans mon box à ne rien faire. Cela me tue de l'avouer mais c'est comme ça. Et en plus, je n'ai même pas eu le droit à une sortie au pré alors qu'en principe, j'en ai toujours une. Il y a du relâchement dans l'air, je vous le dis.

Résultat, je me retrouvai à nouveau dans mon box. Je suis d'accord, rien ne me convient. Quelques heures plus tôt, j'aurai tout donné pour ne pas en sortir et voici qu'à présent, ma seule envie était d'aller dans ce "pré", comme on l'appelle. Je tournai en rond en renâclant, espérant ainsi toucher la sensibilité de ma cavalière. Mais elle ne me prêtait pas attention, sans doute vexée par mon manque de soutien du matin. Je lui adressai mon plus beau regard triste, la tête pendante et les oreilles ramollies, et je su presque aussitôt que j'avais touché la corde sensible. Avec un soupir résigné, elle me sortit enfin de mon box et je m'empêchai difficilement de trottiner devant elle. J'avais tout de même une certaine éducation. Ma maitresse me mena alors vers le pré et aussitôt, la joie de gambader librement s'empara de moi. Je lui arrachai presque la longe des mains et filai vers le pré dès que la porte s'ouvrit, la queue en panache et les oreilles pointées. J'entendis à peine l'appel de ma cavalière et humait l'air frais. Voilà qui était parfait.

Je me tournai lentement vers la barrière, à présent au centre du pré. Pineapple faisait de grands gestes et je lui répondis d'une cabriole ; non, je n'avais pas envie de l'écouter aujourd'hui. Moi qui étais l'obéissance incarnée en principe, qui l'eut crû ! Elle abandonna finalement l'affaire. Je commençais à bien la connaître, elle ne m'en tiendrait pas rigueur. Il ne me restait plus que mon licol (confortable en plus de cela). D'un pas vif, j'arpentai l'espace clos comme une fourmi mercenaire. Je connaissais les lieux sur le bout des sabots et aujourd'hui, quelque chose clochait. Je levai la tête, puis me dirigeait vers le côté de mon pré. Je n'étais pas seule en cette journée, il y avait quelqu'un dans le pré voisin. Je m'avançai vers l'étalon avec une certaine nonchalance, intriguée. Je ne l'avais jamais vu dans le coin, celui-là. Je hénnissai tout bas afin d'attirer son attention : il semblait plongé dans la contemplation du centre équestre. Pour ma part, je préférais de loin les grandes étendues vertes !

C'était vraiment très passionnant. Toute cette activité qui grouillait en un si petit lieu me faisait presque tourner la tête. D'un côté, il y avait la carrière, où un certain nombre de cavaliers amis rigolaient sans se rendre compte que leurs montures tentaient de se mordre. Cela me stupéfiait ; comment des chevaux pouvaient-ils être si libres de leurs gestes ? Si l'on m'avait vu, ne serait-ce qu'une seule fois, coucher les oreilles dans mon crin, chez mes anciens propriétaires, j'aurais eu droit à une bien sévère réprimande. Mais heureusement pour moi, j'étais «une brave bête».

De l'autre côté, il y avait cet immeuble semblable à tous les autres, cependant un tantinet mystérieux car aucun cheval n'y était jamais entré, semblait-il. Ma maîtresse maypop appelait ça la «sellerie», et lorsqu'elle en revenait, elle avait les bras chargés de tapis, de selle, de bride et de tout un tas d'autres choses.

[ à terminer Wink

]