Vagabond

j'inaugure.

La barrière collée au poitrail, je regarde ma liberté s'enfuir au galop, au dela de ce monde de discipline. La femme me quitte, le licol sur l'épaule, et le bruit de son pas m'agace, ce son rauque et rouillé des graviers. Je ne comprends pas son entêtement. Je ne l'aime pas. Qu'elle aille au diable!

Je me retourne lentement. Devant moi, courte étendue de délivrance. Cet espace est une illusion, quelques jolis arbres et de l'herbe tiède, cela suffit sûrement pour les fils et les filles de la liberté! Mon âme broie du noir. Ce système ne fonctionne pas, mon corps meurt à petit feu sous les demandes infantiles des hommes. Un jour, j'exploserai. Mais à l'instant je me sens lâche, je ne puis rien faire devant leurs jolis mécanismes; alors, je me réfugie sous cet arbre, et cet arbre veille sur moi.

Au loin, une silhouette. J'attends. C'est devenu une habitude.

Après un travail de dressage, ma cavalière m'amena au pré après avoir enlever tout mon harnachement. Aujourd'hui j'avais été sympathique pour l'instant, peut-être était-elle encore en essai avec moi... Je marchais la tête haute, regardant les environs puis au loin, un étalon dans un pré. La brune qui me tenait me plaça au pré adjacent pour éviter de nous mettre ensemble. Je ne sais pas pourquoi ils séparent toujours les mâles. Elle me lâcha et s'éloigna. Je ne m'attarda pas et m'approcha de la barrière de l'autre pré.

Je broutai quelques herbes et le regardai, il semblait bougon et pas très content d'être là. En général les autres sont content d'aller au pré pour se défouler un peu mais lui, il restait près de l'arbre... Le baissa la tête et continua de brouter tout en gardant un oeil sur le pie au cas où il vienne pas là.

Je sens l'odeur d'un deuxième équidé parmis la douce tièdeur automnale. Je m'avance vers la barrière, je me défait de l'ombre protectrice de l'arbre solitaire et me met à nu devant le soleil. Le mâle s'était fait relâcher par un humain. D'instinct je couvre ma nuque de mes oreilles. L'étalon est gris, sur sa robe danse les milles lumières d'un jeu de soleil. Il s'avance dans son pré, m'observe, et baisse sa tête lourde vers l'herbe haute.

Je suis alors à mi-chemin; devant, la parfaite palissade m'appelle; derrière, l'arbre m'enracine. J'hénnis alors vigoureusement à l'intention du cheval de selle - car c'en est un, visiblement - mais ma méfiance est là, tapie sous mon âme. Je n'ai jamais aimé les autres mâles, mais peut-être celui ci est bien différent.

Après la faible pluie de tout à l'heure, l'herbe est assez bonne, humide et juteuse, j'aime ça. Je me déplace un peu pour trouver les meilleures touffes et ainsi remplir ma panse qui ne demande que ça lorsque l'autre étalon hennit. Je lève la tête et le regarde. Il est sortit de sous son arbre et est à présent au soleil. Sa robe alezane réfléchit parfaitement les rayon du soleil et les marques blanches qu'il possède m'aveugle quelque peu. J'hennit en retour. Avec les autres chevaux je n'ai jamais été méchant sauf si l'on me cherche ou que l'autre me désespère... Bien sûr les juments sont bien de meilleure compagnie mais cela dépends de leur humeur bien entendu.

Je pivote pour me retrouver face au mâle qui est au beau milieu de son pré ne sachant s'il devait avancer ou retourner à l'abri de son arbre. A nouveau j'hennis doucement et chasse les quelques mouches qui me tournent autour...